Dur dur de passer après toutes ces excellentes chroniques... J'aime beaucoup en particulier celle de Pretty...
Bon voici la mienne, une vision personnelle de plus...
« Si la musique nous est si chère, c’est qu’elle est la parole la plus profonde de l’âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur » écrivait Romain Rolland dans une revue musicale.
Il est fort curieux de constater qu’un siècle après ces dires, la pensée de l’écrivain aura survécu aux divers courants musicaux qui n’en finissent plus de jaillir ci et là. Car forcement la musique exprime toujours ce qu’il y a de plus profond en soi. Encore faut il savoir brillamment retranscrire les émotions par des notes de musique, des instruments, une voix… Et lorsque ces émotions musicales parviennent à nos oreilles, le papillon qui sommeille en nous, auditeur du Beau, du Réel et de l’Imaginaire, ne peut que sortir de son cocon et explorer lui aussi les profondeurs les plus obscures de son être. Doucement, la toile de soie se déchire…
Home, berceau de la vie. Le cœur de la naissance et de la mort. Un lieu d’apaisement. Un refuge. Une église, La Divina Commedia… C’est dans ce dernier lieu, propice au repliement sur soi et aux atmosphères, que nos hollandais ont choisi d’enregistrer leur dernier disque. Hugo s’en va, Marjoleine arrive, Attie revient… Une naissance, un décès… Finalement, la vie de nos artistes ressemblent à la nôtre : des départs, des arrivées, des retrouvailles… Des sourires et des pleurs… Humainement, de chair et de sang…
On voulait un disque plus rock, un retour aux guitares pures… Mais comment faire lorsque l’inspiration est ailleurs et que d’autres mélodies plus intimistes surviennent en tête ? The Gathering est un groupe qui ne triche pas et qui puise au fond de lui-même ce qu’il y a de plus expressif. A fleur de peau, Home, ne ressemble finalement à aucun autre album de la bande. Il faut y voir un objet nu, dépouillé de tous faux artifices, fait de noir et de blanc, une main sur le cœur. La pochette du disque n’a pas été choisie par hasard : reflets de visage de notre époque, de nos doutes et de nos craintes, de nos gaîtés et tristesses.
D’interrogations en exclamations, les douze titres du disque semblent aller de paire et suivre un chemin bien précis mais aux contours incertains selon nos personnalités. Un rite initiatique menant du conflit intérieur à la sérénité: des maux qui nous emprisonnent (Shortest Day) à l’espérance libératrice (In Between), de la recherche du bien être (Alone) à la sensation de l’avoir trouvé (Waking Hour). Survient alors un électrochoc (Fatigue) ramenant à la tristesse et à la remise en question de soi (A noise severe). De nouveau combattre (Forgotten) pour atteindre l’élévation (Solace). S’ouvrir enfin à la lumière (Your troubles are over) pour construire son enveloppe (Box). Si fragile soit-elle, elle nous conduira à la quiétude (The Quiet One) et à la paix intérieure (Home). Un treizième morceau, reprise de Forgotten, élément finalement maître de l’œuvre, la conscience de nouveau interpellée, une voix alors accompagnatrice et réconfortante pour nos premiers ou derniers instants de vie.
Subliminal, Home joue ainsi avec la sensibilité de l’auditeur. Il est l’alter ego de toute personne capable de comprendre que la musique n’est pas seulement un ensemble de sons mais également un facteur d’émotions. Expressive, il faut voir dans la voix d’Anneke autre chose qu’un simple exercice de style. Haletante dans les premières mesures de Shortest Day, hypnotique dans la cassure d’Alone, élevée à son plus haut niveau pour Waking Hour, noisy avec A noise Severe, enjouée dans Your troubles are over, mélodieuse lors de The Quiet One, la voix se meut au fil des morceaux pour leur conférer une ambiance distincte selon l’atmosphère qu’ils diffusent. En toute pureté et sans jamais aller au-delà de toute futilité.
Si elle l’est l’élément central du disque, la voix d’Anneke est aussi servie par de brillantes compositions. Il est étonnant de voir que d’anciens titres non retenus pour les précédents albums aient pu trouver leur place au sein de cet opus : Zion devient ainsi In Between, Lutine se transforme en Home. The Quiet One figurait déjà sur une bande originale d’un court métrage tout comme Alone était présent sur le dvd A Sound Relief dans une version toutefois moins épurée. Etonnant car tout est parfaitement bien construit du début au final et aucun des morceaux n’a à souffrir de faiblesse quelconque et de superflu. Un puzzle où chaque pièce est sa place et dont la veine fondatrice demeure solidement ancrée dans un ensemble onirique. Si la mélancolie prédomine, les mélodies s’accompagnent aussi de titres plus musclés, virant bien souvent au trip rock comme les excellents Shortest Day ou Your troubles are over. Solace étonne par son énergie, l’utilisation de plusieurs langues et de par sa base de résonance tirelire et matraquage de futs. Il fait ainsi figure d’un son nouveau toutefois exploité lors de la parenthèse Passengers in Time.
Que ce soit Hans, René, Marjoleine ou Franck, tous ont su comment mettre en valeur leur talent. Une fois de plus, ces musiciens agissent en tant qu’artisans de la musique et ne sacrifient en rien leur art. Une batterie, une guitare, une basse, un clavier. Sans surjouer, tantôt lent, tantôt puissant et toujours en totale harmonie avec les textes et la voix d’Anneke. Une rythmique bien pensée, quelques riffs discrets mais efficaces, des résonances de basse timides et paradoxalement entêtantes, un ensemble piano voix nous ramenant alors à l’acoustique du Sleeping Buildings. L’électro est à nouveau de mise sans qu’il atteigne toutefois les sommets qu’il avait pu rencontrer lors de l’enregistrement de Souvenirs. Il sert ici plutôt de lien entre chaque titre de l’album et permet alors à l’auditeur de prolonger son songe sans interruption et de l’amener encore plus loin dans sa contemplation.
Home est certainement l’album le mieux maîtrisé du groupe. Et ce avec une dextérité qui pourrait paraître déconcertante aux premières écoutes si on prend l’album comme un simple ouvrage de musiques et de chansons. Il est bien plus que cela. Il pourrait être leur dernier album, le témoignage d’une vie bercée par la musique et bien au-delà de tous facteurs temporels il nous offre l’inestimable : un disque que chacun d’entre nous peut s’approprier et faire de ce Home son propre cocon émotionnel. Doucement, la toile de soie s’est déchirée, le papillon est alors sorti de sa chrysalide…
Un cri d’un enfant, des cloches d’une église… I found in life my way home…
Stéphane (Avril-Mai 2006, quelque part sur une plage de Biarritz et chez soi dans son cocon montpelliérain familier)
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